Samuel de Champlain

Mandaté par le Royaume de France et prenant possession du Canada au nom du Roi, l’exploration, le peuplement et dans l’ensemble l’oeuvre de civilisation et évangélique au Canada prenaient la dimension d’une politique d’État. Le bon comportement de Champlain inaugurait une tradition d’alliances avec les peuples autochtones qui feront honneur au régime français.

« Notre histoire est à bien des égards une épopée, et elle l’est magistralement par l’adresse dont nos aïeux ont fait preuve pour créer des alliances durables avec des populations que tout séparait au départ. »
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Jeune, Champlain avait en tant que soldat vu l’horreur des guerres de religion fratricides en France. Puis, un oncle armateur louant un navire à un collègue espagnol pour une expédition commerciale aux Caraïbes lui fournit l’occasion de faire le voyage sous prétexte de veiller à ses intérêts commerciaux. Il était entendu que le jeune Samuel devait tout observer, tout noter mentalement. Arrivé à bon port, attendant le retour, il constata la violence avec laquelle les Espagnols traitaient les autochtones sous leur férule.

À son retour en France il s’engagea à rédiger dans le détail un journal de voyage, qu’il put présenter en personne au roi Henri IV. Samuel avait pu bénéficier de la meilleur éducation et sa famille semblait sous la protection royale, son propre père recevra même une pension. Henri IV connaissait bien la région d’origine de Champlain, y ayant vécu jeune et gagné une réputation de libertin. Certains croient que l’attention qu’il a toujours donné au jeune Samuel serait une indication qu’il était son réel père. Il n’en existe à date aucune preuve concrète, mais des éléments circonstanciels peuvent le laisser croire.

Devenu un expert cartographe, un savoir-clé pour les empires de l’époque, lors de ses premières expéditions dans le golf du St-Laurent, déjà fréquenté de façon saisonnière par des pêcheurs et marchands basques et bretons, comme précédemment en Acadie,Champlain aura pour mission de cartographier, de consigner. Il s’y emploiera avec minutie. Le roi compte sur lui, on peut croire qu’il songe à créer une colonie, comme les Anglais plus au sud. Les trois années passées en Acadie ont montré à Champlain à vivre en ce pays, même si aucune mine exploitable, l’objet de cette précédente expédition, n’y a été trouvée. Toujours d’ailleurs perdurera aussi l’obsession de trouver un passage fluvial vers l’océan Pacifique et les richesses de la Chine.

Les guerres de religion ont laissé exsangue le trésor royal, l’intérêt commercial à court terme guide les entreprises. Le roi, nominalement propriétaire de cette contrée septentrionale qu’aucune autre couronne d’Europe ne revendique, ne peut qu’accorder des privilèges de commerce, d’exploitation à ceux qui ont de l’argent à risquer. Armer un navire pour aller chercher une cargaison de fourrures est chose faisable, les capitaines connaissent la route, les vents, les courants. On vient pêcher la morue aux bancs de Terre-Neuve depuis longtemps.

Champlain restera l’homme du roi en Nouvelle-France même après l’assassinat d’Henri IV. Les rapports, les cartes, les histoires, les indigènes en visite fascinent toujours à la cour, heureusement! Puis les frères Kirke prennent Québec, c’est l’exil à Londres jusqu’au traité de St-Germain-en-Layes en 1633. Champlain revient, reconstruit, renoue ses alliances, tient les Iroquois en respect.

Malgré les ravages du scorbut des premiers hivers en Acadie, entre luttes contre les ennemis de ses alliés indiens, contre les marchands basques, espagnols ou anglais, d’une intrigue de cour à l’autre par ses commanditaires putatifs pour l’obtention d’un monopole de la traite des fourrures, ou de retour à la recherche d’un passage vers la Chine pour contenter la cour, d’un aller-retour à l’autre sur l’Atlantique – il le traversera 27 fois, il créera les racines durables d’une colonie dans la vallée du St-Laurent. Sans cette ténacité prométhéenne et l’exemple qu’elle servit à nos premiers ancêtres la Nouvelle France n’aurait jamais vu le jour. Il meurt, épuisé, le jour de Noël 1635, avec pour descendance ce pays neuf qu’il nous a donné, envers et contre tous. En ce sens Champlain est bien le véritable père de notre nation.

 

Source

 Le rêve de Champlain, par David Hackett Fischer