Jacques Cartier

Jacques Cartier, par Théophile Hamel

« Même si ses explorations n’ont pas l’envergure des travaux de Hernando de Soto ou de certains explorateurs sud-américains, Cartier figure parmi les grands noms du XVIe siècle. Il est le premier à faire un relevé des côtes du golfe du Saint-Laurent, à décrire la vie des Indiens du Nord-Est de l’Amérique du Nord, et, c’est bien là son plus grand mérite, il découvre en 1535 le fleuve Saint-Laurent qui sera l’axe de l’empire français d’Amérique, la route essentielle par laquelle les explorateurs s’élanceront vers la baie d’Hudson, vers l’horizon mystérieux de la mer de l’Ouest et vers le Mississippi. Découvreur d’un des grands fleuves du monde, Cartier est au point de départ de l’occupation par la France des trois quarts d’un continent. »

— Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, Montréal, Fides (1963), p. 72-73.


Tel un Colomb sillonnant les Caraïbes, quelques quarante ans plus tard Jacques Cartier a exploré le fleuve Saint-Laurent et son Golfe, créant les premiers établissements français en terre d’Amérique.

Premier voyage (1534)

Au printemps 1534, après seulement vingt jours de traversée, Cartier atteint Terre-Neuve, avec ses deux navires et un équipage de 61 hommes. Il explore minutieusement le golfe du Saint-Laurent à partir du 10 juin. Le 12 juin, il aperçoit et assiste un navire originaire de La Rochelle, dont l’équipage, après une longue campagne de pêche à la morue, avait perdu son chemin au milieu des nombreuses îles du golfe du Saint-Laurent.

Cartier à Gaspé

Le 6 juillet, il entre en contact avec les premiers Amérindiens de la nation Micmac au large de la baie des Chaleurs, avec lesquels il procède à quelque troc. C’est le 24 juillet qu’il met pied à terre à Gaspé et y plante une croix de trente pieds revendiquant la région pour le roi de France. La troupe des Français y rencontre des Iroquoiens du Saint-Laurent, venus pour la pêche, qui les accueillent sans grand plaisir. Le chef amérindien, Donnacona, après protestations, finit par permettre à Cartier d’amener deux de ses « fils » en France. La rentrée à Saint-Malo se fait le 5 septembre après une autre courte traversée de 21 jours.

Second voyage (1535–1536)

Le deuxième voyage a lieu en 1535–1536 et débute le 19 mai. Cette expédition compte trois navires. Quinze mois de vivres ont été prévus. Ramenés de France par Cartier, les deux « fils » du chef Donnacona parlent maintenant français. Recourant à leurs connaissances, Cartier remonte le cours du Saint-Laurent, découvrant qu’il navigue sur un fleuve lorsque l’eau devient douce. À l’île d’Orléans, le 7 septembre, devant Stadaconé, on retrouve Donnacona.

Le chef essaie de dissuader les Français de remonter le fleuve : il veut s’assurer du monopole du commerce. Cartier refuse et donne congé aux deux « fils ». Il ira donc en amont sans interprète. Une partie des hommes restent et construisent un fortin, préparant l’hivernage. Cartier continue à remonter le fleuve sur l’Émérillon, dont bientôt le tirant d’eau interdit de poursuivre au-delà du lac Saint-Pierre : il y ancre l’Émérillon et l’équipage poursuit en barques.

Le 2 octobre 1535, Jacques Cartier et ses compagnons arrivent dans la région du village iroquoien nommé Hochelaga. Tôt le lendemain matin, avec ses gentilshommes et vingt mariniers armés, Cartier entreprend à pied le chemin vers ce village, sur une voie bien aménagée. Marchant ainsi deux lieues, ils peuvent enfin apercevoir cette bourgade palissadée de tronc d’arbres, sur une colline et entourée de terres cultivées, pleines de maïs. Il nommera mont Royal, cette montagne de l’île. La bourgade compte une cinquantaine de « maisons longues », communautaires. Le chef du village affirme que l’on peut continuer à remonter le fleuve vers l’ouest durant trois lunes et, de la rivière des Outaouais, se diriger vers le nord et pénétrer dans un pays où l’on trouve de l’or (l’actuelle région de l’Abitibi).

Après cette visite d’un jour, les Français rebroussent chemin vers Stadaconé, afin d’hiverner au mouillage, à côté du fort Sainte-Croix, sur la rivière Saint-Charles. Les rapports avec les Iroquoiens sont bons, malgré quelques disputes sans gravité. L’hiver arrive et surprend les Français, le fleuve gèle et emprisonne les navires. Les hommes souffrent du scorbut, des Français meurent tandis que les Amérindiens s’en tirent beaucoup mieux. Cartier, épargné, découvre qu’ils se soignent d’une infusion de sapin baumier. Il applique le traitement à ses hommes et, bientôt, les guérisons se multiplient.

En avril, profitant du dégel, Cartier met le cap sur la France, abandonnant La Petite Hermine, « faute d’un équipage assez nombreux », 25 des 110 équipiers étaient décédés du scorbut. Il emmène Donnacona de force pour le présenter à François Ier avec ses deux « fils » et sept autres Iroquoiens . Après un passage par Saint-Pierre-et-Miquelon, il retourne à Saint-Malo en juillet 1536, croyant avoir exploré une partie de la côte orientale de l’Asie.

Le troisième voyage (1541-1542)

Donnacona, qui a compris ce que cherchent les Français (de l’or, des pierres précieuses, des épices), leur fait la description qu’ils veulent entendre : celle du riche royaume du Saguenay. Sur ce, François Ier se laisse convaincre de lancer une troisième expédition avec pour instructions, cette fois, d’implanter une colonie.

L’organisation de l’expédition est confiée à Jean-François de La Rocque de Roberval, militaire de confiance. L’amiral Chabot, commanditaire de Cartier, étant tombé en disgrâce, le Malouin sera son second. La colonisation et la propagation de la foi catholique deviennent les deux objectifs. Donnacona meurt en France vers 1539, comme d’autres Iroquoiens. Certains s’y sont mariés, aucun ne reviendra au Canada. On prépare l’expédition, arme cinq navires, embarque du bétail, libère des prisonniers pour en faire des colons. Roberval prend du retard dans l’organisation et décide d’envoyer Cartier au devant avec la moitié de la flotte. Après une traversée calamiteuse, il arrive enfin sur le site de Stadaconé en août 1541, après cinq ans d’absence. Les retrouvailles sont chaleureuses malgré l’annonce du décès de Donnacona, puis les rapports se dégradent et Cartier décide de s’installer ailleurs.

Il fait édifier le fort de Charlesbourg-Royal à l’embouchure de la rivière du Cap-Rouge pour préparer la colonisation. Pendant les travaux, Cartier en profite pour remonter jusqu’à Hochelaga, mais au retour une confrontation armée a lieu entre les colons et les Stadaconiens. Bilan, trente-cinq colons tués par les Amérindiens pour venger les leurs tués ou blessés par les Français. Bientôt, l’hiver arrive et Roberval est toujours invisible, avec le reste de l’expédition. En 1542, Cartier lève le camp avec dans ses soutes quelques barriques remplies de pierres et de minerais qu’il croit précieux. Il rencontre à Terre-Neuve Roberval arrivant de La Rochelle qui avait été retenu en France par des tensions politiques avec l’Espagne. Malgré l’ordre que ce dernier lui donne de rebrousser chemin , Cartier met le cap vers la France. Cette décision sera lourde de conséquences pour le navigateur malouin.

Aussitôt arrivé en France, il fait expertiser le minerai, apprenant qu’il ne rapporte que de la pyrite et du quartz, sans valeur. Sa mésaventure est à l’origine de l’expression française « faux comme des diamants du Canada »… et du toponyme actuel, « cap Diamant », pour désigner l’extrémité est du promontoire de Québec.

La désillusion est grande, Cartier se consacre désormais à la vie de sa commune et se retire dans son manoir de Limoëlou à Rothéneuf, près de Saint-Malo. Notable ayant beaucoup voyagé, il est souvent consulté et on met à profit ses connaissances du portugais. Il succombe le 1er septembre 1557 à la peste, qui sévit à Saint-Malo depuis le début de l’été. Ses restes sont retrouvés en 1949, lors de travaux dans la cathédrale de Saint-Malo.

Roberval

De son côté, Roberval a poursuivi vers Cap-Rouge dont il a remit les installations en état et a renoué les relations avec les Stadaconiens qui approvisionnent l’établissement français. Durant le long hiver, une cinquantaine de colons meurent du scorbut, signe évident que ni Cartier ni les Stadaconiens ne leur ont expliqué la recette du sapin beaumier. Au printemps, Roberval remonte le fleuve jusqu’à Hochelaga avec soixante-dix soldats et colons dans huit barques afin de rejoindre le lieu mythique que les Amérindiens nomment le « Royaume de Saguenay », espérant y trouver le passage du Nord-Ouest. Sur place, il rencontre les Amérindiens et parvient à pied en amont des rapides. ses hommes portant des barques sur leurs épaules. En redescendant le courant un peu plus tard, une barque chavire et huit personnes seront noyées. De retour à Cap Rouge, des navires sont arrivés de France avec des victuailles, mais aussi des lettres de François Ier qui exige leur retour en France en raison de la guerre.

Les Huguenots plus au Sud

Il se passera 73 ans avant qu’à nouveau se manifeste dans la vallée du St-Laurent une présence française officielle. Ce que l’on ignore généralement, par contre, c’est qu’une vingtaine d’années après le dernier voyage de Cartier, des Hugenots français sous la direction de l’amiral Gaspard de Coligny, firent des efforts considérables pour s’établir au nord de la Floride, construisant une habitation près de l’actuel Port Royal en Caroline du Sud (entre Savannah et Charleston). Les Espagnols en furent informés et finalement les délogèrent brutalement, créant au passage ce qui devait devenir St-Augustine, la plus vieille ville habitée en permanence de l’histoire d’Amérique du Nord.

Sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Cartier

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-François_de_La_Rocque_de_Roberval

https://www.republiquelibre.org/cousture/FLORIDE.HTM