René Lévesque est un homme d’État québécois né le 24 août 1922 à Campbellton (Nouveau-Brunswick) et mort le 1er novembre 1987 à Montréal (Québec). D’abord connu comme journaliste, animateur de radio et de télévision, il est l’un des principaux artisans de la Révolution tranquille au sein du Parti libéral, pilotant l’achèvement de la nationalisation de l’électricité, et un ardent défenseur de la souveraineté politique du Québec. À la tête du Parti québécois, un parti indépendantiste dont il est à l’origine, Lévesque est premier ministre de la province de 1976 à 1985. En 1980, il tient le premier référendum sur l’indépendance du Québec.
On ne s’attardera pas ici sur la jeunesse de René Lévesque, ses débuts comme journaliste, ses années en Europe avec l’armée américaine et la vedette qu’il deviendra aux affaires publiques de Radio-Canada avec l’émission Point de mire, où il mettra en valeur ses talents de communicateur. Le lecteur trouvera des détails, entre autres, sur le site de la Fondation René Lévesque.
Les deux vies publiques de René Lévesque
La première vie de René Lévesque se termine avec sa rupture avec le Parti libéral. L’homme jouit d’une grande popularité et semble avoir réussi tout ce qu’il a touché. Sa deuxième vie, qui commence avec la publication d’Option Québec n’enlèvera rien à sa popularité. Il sera jusqu’à sa mort un homme aimé de son peuple mais il ne connaîtra pas les succès de la première période. Il vivra notablement la victoire électorale de 1976, mais ses projets politiques seront dès lors marqués par de grandes épreuves.
À ce point, on ne fera pas attendre un lecteur qui s’impatiente et veut savoir :
Pourquoi René Lévesque est-il absent du Panthéon des Canadiens-Français ?
La question est légitime puisque Lévesque a été plus que quiconque l’idole d’un peuple. La question est aussi délicate. Comment bien analyser l’oeuvre de René Lévesque, comment en tirer le meilleur profit pour l’avenir de la nation ? C’est ce que nous tâcherons de faire de bonne foi ici.
Allons-y d’abord avec un point de doctrine. Hormis la violence révolutionnaire et les coups d’État, il ne reste pour réussir un changement de statut politique que de lutter dans le respect des règles en vigueur : la constitution, le droit, le maintien de la paix sociale. Même en collant le plus possible à ces règles, l’affranchissement de la tutelle anglo-saxonne sur un peuple comme les Canadiens-Français ne peut se réaliser sans tensions. L’expérience historique en fait foi. Chacun le sait, c’est un réflexe atavique. Chez-nous, la peur populaire est instinctive, elle l’a toujours disputé à la volonté et aux audaces libératrices. Avant René Lévesque, de son temps, et toujours aujourd’hui, les tensions, voir l’état de crise, sont pratiquement inévitables de tout processus de contestation visant une refonte politique. À cet égard, on ne peut certes reprocher à René Lévesque de ne pas avoir pris en considération les susceptibilités de son peuple ou d’avoir manqué au respect des règles du plus fort. Il aurait même surjoué ces aspects, avec pour conséquence de justifier une certaine inaction. Mais, en homme politique responsable, en chef d’État qui s’était présenté avec de grandes ambitions, il ne pouvait se détourner de l’obligation de mousser et de faire aboutir son programme constitutionnel, ce à quoi il ne s’est jamais sérieusement consacré, car il ne pouvait soutenir l’idée que les changements ne pouvaient exclure une épreuve de force en cours de route. Dans Option Québec, Il aurait dû en avertir son peuple et le préparer.
Les mots tension, crise et incertitude viennent d’être prononcés. Quel était l’enjeu de ces épreuves anticipées ? Essentiellement, en ce qui nous concerne, et nous n’inventons rien, ce qui est à la base du différend constitutionnel porte sur la reconnaissance des droits politiques des Canadiens-Français et des garanties quant à leur sécurité collective. C’est le programme que René Lévesque esquissait avec une mesure appropriée de profondeur historique dans les trois pages du chapitre 1 d’Option Québec, publié en janvier 1968. Le succès de librairie du livre donnait le coup d’envoi au Parti québécois qui verra le jour en octobre de la même année.
Aucun changement ne pouvait se produire au Québec sans la montée au sommet des contentieux constitutionnels, sans le moment d’une explication les yeux dans les yeux entre les deux solitudes, entre les descendants des vainqueurs et des vaincus, peu importe comment on définit la dualité historique fondée sur l’inégalité. Ce n’est pourtant pas sans une certaine naïveté prémonitoire que Lévesque écrira :
citation à venir
Après son élection en 1976, René Lévesque a continué de faire ce en quoi il avait excellé au Parti libéral de Jean Lesage : se concentrer sur la pratique d’une administration provinciale dynamique et innovante. Ce faisant, peut-être par la force de l’habitude, il laissant largement de côté le statut politique du Québec, dont on s’occuperait plus tard. Avec étonnement, cette question négligée formait pourtant le motif principal de son retour en politique. Ainsi, l’épineux dossier constitutionnel ne sera pas attaqué comme une affaire d’État. Il sera plutôt suspendu à la réussite préalable d’un exercice référendaire superflu. Superflu parce que le référendum arrivait comme la quête d’une permission de négocier, une permission pourtant accordée d’office au parti qui, dans notre régime parlementaire, forme le gouvernement. En plus, le référendum n’était pas sans écueil. Il exposait les auteurs de l’initiative à une manipulation fédéraliste. Ce qui se produisit immédiatement et transforma ce qui était un simple exercice consultatif en drame existentiel auquel personne ne pouvait plus échapper.
Au vrai, l’expédient référendaire tient peut-être en partie à des élus désemparés par un mandat trop lourd à porter, qui préféraient se mettre aux abonnés absents, piochant dans les réformes provinciales, en attendant qu’on les pousse pour s’asseoir à une table. Vraisemblablement, on ne se sentait pas de taille pour monter au créneau constitutionnel et le leadership n’entreprit rien pour surmonter la carence. Les militants sourcillaient et certains manifestèrent leur mécontentement. Rien n’y fit. Très mobilisé par les affaires courantes, il fallu presque quatre ans pour qu’on accouche de la question référendaire, devenu elle-même un enjeu de taille.
Un non, entièrement prévisible, n’irait pas sans conséquences. Est-ce qu’on s’en rendait compte ? Il mettrait un terme à l’élaboration d’une stratégie constitutionnelle étoffée, qui, du reste, n’avait jamais commencée. Mais les vents portants pour le faire cesseraient de souffler. Entre temps, les justifications historiques amenées par Lévesque dans Option Québec (et amenées par tant d’autres dans notre tradition de contestation de la Confédération !), de même que toute évocation d’un colonialisme au Québec, étaient disparues avec l’arrivée de Claude Morin, en 1972.
Quel est le coeur de ce qui serait une critique irrévocable envers René Lévesque ? Ce qui plombe son oeuvre plus que toute autre chose c’est de ne pas avoir tenté de faire ce qu’il avait promis de faire dans Option Québec. En 1967, il avait claqué la porte du parti libéral pour l’autonomie provinciale, et donné ensuite naissance au concept de souveraineté-association dans Option Québec. Mais en 1981 il se présentait à Ottawa les mains vides, sans mandat électoral spécifique pour négocier, à la merci de l’agenda fédéraliste et condamné à improviser. Citation de Martine Tremblay à venir.
Chose difficilement concevable, Lévesque s’était porté avec Claude Morin à la tête d’un front commun des provinces anglophones contre Ottawa. Un front commun des Canadiens-Français face à Ottawa, comme les États généraux du Canada français l’avaient préconisé en 1969, n’aurait-il pas mieux valu ? Comment après avoir poussé la témérité jusqu’à considérer les provinces anglophones comme ses alliés, comment pouvait-il se plaindre d’une trahison au titre sanglant de la Nuit des longs couteaux ? Après le 5 novembre 1981, il s’attira de nouveau la sympathie du public avec une série de discours nationalistes enflammés, reprochant tout à Ottawa. Ces discours ne seront jamais suivis de gestes concrets, un référendum évoqué pour rejeter la constitution sera aussi vite oublié, les appels à l’indignation seront suivis d’appels à la modération. L’homme avait l’art de souffler le chaud et le froid.
Le plan tenait-il la route ? Certainement pas. La souveraineté-association, pour laquelle un nouveau parti avait été fondé exprès, est morte parce qu’elle n’a jamais été défendue par son principal protagoniste au moment où une refonte du Canada était à l’ordre du jour. Voilà ce qui explique l’absence de René Lévesque au Panthéon.
Le bilan qui précède pourra en étonner plusieurs. Il est pourtant fondé sur une réalité objective que n’ont jamais voulu mettre en évidence les éditorialistes, les biographes et les analystes en tout genre. En choeur, ils ont plutôt mis en évidence son combat contre les purs et durs. Ils ont vanté sa modération, son charisme, son ouverture, etc. Mais son manque de détermination à réaliser son programme constitutionnel n’a jamais fait l’objet de critiques ou d’analyses substantielles. Ce sont les militants du parti qui sonnaient l’alarme à répétition, mais leur contestation du dilettantisme de René Lévesque n’a pas eu l’écho qu‘elle méritait. Martin Bisaillon dans Le Perdant avait bien tenté de combler le vide. Comme il fallait s’y attendre, le livre a été très mal reçu par la critique de presse. Il n’est pas trop tard pour revenir à la charge et ramener à des proportions plus proches de la vérité celui que Félix Leclerc avait qualifié candidement de “libérateur de peuple”.
La deuxième moitié du vingtième siècle a connu deux situations de convergence politique des Canadiens-Français où tout devenait possible. La première tourne autour du Maître chez nous de Jean Lesage, et va jusqu’à la mort de Daniel Johnson, peu après la visite du général de Gaulle au Québec. Les deux grands partis provinciaux de l’époque, l’Union nationale et le Parti libéral étaient dans une communauté d’esprit portée par le nationalisme canadien-français. La deuxième chance aux dimensions historiques a eu lieu lorsque Claude Ryan a offert son concours à René Lévesque, qui était alors piégé, en vue de débloquer les négociations constitutionnelles de 1981. Avec son livre beige publié peu avant, le Parti libéral, à la différence du PQ, avait fait un travail considérable en vue de réformes constitutionnelles. Les propositions du parti de Claude Ryan, étaient particulièrement bien adaptées aux circonstances, et orientées pour que le Québec accède à des pouvoirs accrus. Une ouverture de Lévesque à la convergence des forces aurait mis Trudeau et le Canada anglais dans le plus complet embarras. Mais René Lévesque a rejeté du revers de la main l’appel de celui qu’il considérait comme son rival provincial, optant alors pour une désastreuse politique du pire. Était-ce par vanité, par partisanerie ou pour d’autres raisons? On peut se questionner. Guy Laforest écrit à ce sujet : Citation à venir
Le bilan de cette période, 1980-1981, la plus importante en 150 ans pour l’avenir des Canadiens-Français, a été marquée par une succession de bévues, d’irresponsabilité et d’improvisations. On ne portera pas d’actes d’accusations. On se contentera de conclure que René Lévesque a négligé ses engagements constitutionnels envers le peuple canadien-français qui lui avait donné sa confiance. Nous accordons toutefois une place à René Lévesque dans la galerie des personnages remarquables afin de souligner l’éveil et la fierté qu’il a suscité pour presque deux générations de Québécois. Et aussi, permettre qu’avec sa présence dans ce site, se poursuivre l’étude sur les causes d’un si retentissant échec. Mise au point : le propos exprimé ici n’est pas pour disculper la fourberie et le machiavélisme de Trudeau et de ses sbires, nous condamnons bien sûr la suppression brutale des droits collectifs à laquelle Trudeau s’est employé au profit des droits individuels. La naissance d’une loi constitutionnelle dans un tel mépris des parties est une tache supplémentaire sur le Canada britannique, fondé sur l’inégalité des nations depuis la Conquête. La Loi constitutionnelle de 1982 souligne dans le cadre du Canada les dérives anti-nationales qui s’appliquent au monde occidental, condamné à payer pour l’Allemagne nazie.
Controverses
On épilogue sur la présence de René Lévesque au sein des forces américaines durant la seconde guerre mondiale, était-il franc maçon ? Était-il trop coureur de jupon ? Trop joueur et des casseroles à la traîne ? Était-il tenu par les “Services” ? Tout ceci peut avoir son importance et constituer des éléments pour comprendre le dessous des cartes. Vu les spéculations auxquelles cela pourrait donner lieu, nous avons préféré dans le cadre de cette biographie – qui forme un bilan de l’oeuvre – ne retenir que ce qui a été décisif sur le plan de la politique publique, ce qui est déjà beaucoup.
Voir aussi :
https://fr.wikipedia.org/wiki/René_Lévesque
https://fondationrene-levesque.org/rene-levesque/biographie/
https://www.erudit.org/fr/revues/cd/2018-n135-cd04097/89198ac.pdf