Marcel Chaput

Selon nous, Marcel Chaput mérite une place dans la galerie des Canadiens-Français remarquables parce qu'il a puissamment contribué au renforcement de la position du Québec à la veille de négociations constitutionnelles historiques, les premières de cette importance à se tenir en plus de cent ans.

Le 19 janvier 1991, décès de Marcel Chaput. Militaire, docteur en biochimie, psychologue, et indépendantiste convaincu, il est en 1960 un des fondateurs Rassemblement pour l’indépendance nationale ( RIN ). Chimiste à la défense nationale, ses activités politiques font l’objet de questions à la Chambre des Communes et les pressions lui font renoncer à sa carrière en 1961, il paiera la fidélité à ses convictions par des décennies de précarité économique. La même année, en septembre, il publie Pourquoi je suis séparatiste.

En 1962, il se présente comme candidat indépendant et indépendantiste dans le comté de Bourget, il obtient le vote de 3 299 électeurs. Après avoir lancé le Parti républicain en décembre 1962, il fera une grève de la faim de 33 jours en 1963, au cours de laquelle il récoltera 100 000 $. Il revient au RIN en 1965 et se présente sous sa bannière aux élections de 1966 dans le comté de Papineau.

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Marcel Chaput a joué un rôle considérable pour élargir les options constitutionnelles du Québec. “Pourquoi je suis séparatiste” connut un succès de librairie impressionnant et sa grève de la faim ( il en fera deux en fait! ), avaient fait de lui une personnalité médiatique sur laquelle tout le monde avait un mot à dire. Personnage central d’une option alors marginale, on lui doit d’avoir été le premier à mettre l’indépendance sur toutes les lèvres, ce qui inquiétait les autorités fédérales et le Canada anglais. Son action produisit un essor inédit de l’indépendantisme et améliorait la position du Québec en instances de négociations constitutionnelles. On approchait les 100 ans d’une Confédération qui avait été beaucoup critiquée chez les Canadiens-Français. Les commissions Lowell-Sirois (1937), Laurendeau-Dunton (1963) et, au Québec, la Commission Tremblay (1953), commandée par Maurice Duplessis, dressaient la table pour une explication substantielle entre les deux solitudes que constituaient les deux Canadas.

En 1966, Daniel Johnson profita habilement de cette montée de l’affirmation politique des Canadiens-Français. Il se fit même élire premier ministre du Québec après avoir lui-même publié un livre audacieux intitulé Égalité ou indépendance. Il reprenait à son compte et avec toute la presse nécessaire le flambeau de négociations constitutionnelles pour la reconnaissance des réalités nationales au Canada.

Après des conférences fédérales-provinciales infructueuses, des négociations constitutionnelles décisives se tiendront finalement en 1981. À cette date, le Québec avait malheureusement perdu son élan. L’essentiel de son rapport de force favorable s’était évaporé. Au départ, c’est la crise d’octobre 1970 qui amorça la tendance du déclin, les années Bourassa prolongèrent le glissement sur la pente descendante et les années Lévesque en marquent le point d’orgue. Les négociations historiques tant attendues se tiendront donc avec un agenda entièrement maîtrisé par le fédéral et se termineront sans que le Québec plaide vraiment sa cause.

Marcel Chaput s’était certes présenté à des élections, mais on ne peut le décrire comme un politicien de carrière. Pour recadrer les fameuses paroles de Félix Leclerc et mieux les appliquer : il était de la trempe « des libérateurs de peuple », c’est-à-dire de ceux qui sont prêts et consentent, s’il le faut, à de lourds sacrifices personnels pour que vive et prospère leur nation.