Les 68 ans de la conférence de Bandung

les pays occidentaux de l'Alliance atlantique, dont le Canada fait partie, s'étaient déjà fait demander poliment de balayer devant leur porte. Mais les pays anglo-saxons, et leurs obligés, résistent mal à la tentation de donner des leçons aux autres.

Les concepts de non-alignement et de non-ingérence apparaissent sur la scène internationale

En promenade sur la rue Sainte-Catherine à la hauteur de la Place des Arts, j’ai croisé samedi dernier un groupe de manifestants qui demandaient au Canada d’intervenir à propos du sort qui est fait aux femmes en Iran. Je ne crois pas que le Canada devrait se mêler des affaires culturelles des autres pays, à plus forte raison dans le cas de pays qui sont porteurs d’autres civilisations. Le Canada n’a ni la compétence ni le mandat. 

Et là, je me suis soudainement souvenu que les pays occidentaux de l’Alliance atlantique, dont le Canada fait partie, s’étaient déjà fait demander poliment de balayer devant leur porte. Mais les pays anglo-saxons, et leurs obligés, résistent mal à la tentation de donner des leçons aux autres. Et les jugements incessants, allant jusqu’à une hostilité verbale soutenue, envers des pays qui ont des usages et des mœurs différentes, ça devient carrément agaçant. « Le Québec aux… et l’Iran aux Iraniens » ne serait peut-être pas aussi fou que ça comme slogan. L’indépendance des uns valant bien celle des autres !  Rétablir le dialogue entre les cultures, qui remplacerait un peu le flot des incriminations, pourrait se faire à partir des Lettres persanes de Montesquieu, aussi bien que par des textes comme celui-ci.

Chacun ses affaires et les vaches seront bien gardées

On sait que ces jours-ci le Canada a la mèche courte en ce qui concerne l’ingérence étrangère, qu’elle soit appréhendée, réelle ou dangereuse… Les autorités héritent d’une occasion qui pourrait leur faire comprendre que d’autres, de nombreux autres pays, du reste, pourraient avoir la même sensibilité quant à leurs prérogatives nationales. Pour s’aider à comprendre, on peut revoir les concepts qui furent livrés en relations internationales à la Conférence de Bandung, dont l’anniversaire est aujourd’hui. L’application ou l’ignorance de ces concepts peuvent faire la différence entre la guerre ou la paix. Sans trop forcer, on peut les résumer par une formule populaire toute simple : à chacun ses affaires et les vaches seront bien gardées. 

Conférence de Bandung

Du 18 au 24 avril 1955 a lieu à Bandung, sur l’île de Java (Indonésie), la première conférence afro-asiatique, qui réunit vingt-neuf pays. L’initiative de ce sommet revient notamment au Premier ministre indien Nehru, soucieux de créer sur la scène internationale un ensemble de puissances qui échapperait aux deux Grands et à la logique de guerre froide.

L’esprit de Bandung

C’est un espace qui serait à la fois indépendant de l’Union soviétique et de l’OTAN, mais sans être lui-même un bloc. On invoque la coopération et on réprouve la subordination. Bandung cherche à jeter les bases de la prospérité entre des pays qui comptent encore pour peu à l’internationale, mais qui ont une population nombreuse et beaucoup de richesses. Des pays qui misent sur ces atouts et sur une solidarité en gestation pour résister aux pressions et à l’ingérence extérieure. Résumé en quatre points : 

  • Respect de l’indépendance des pays petits ou grands
  • Non-ingérence étrangère dans les affaires intérieures
  • Non-alignement par rapport aux blocs / alliances 
  • Coopération économique et multiforme
Les participants en 1955 (carte) se retrouvent aujourd’hui
au nombre des plus motivés par le progrès des nouvelles
initiatives de développement économique comme les BRICS 

Bilan après 68 ans

Les résultats de la Conférence sont mitigés quant à leurs effets immédiats. On peut noter cependant que les idées mises de l’avant à l’époque prennent aujourd’hui de l’ampleur avec un nouveau vocabulaire qui nous parle de l’émergence d’un monde multipolaire. 

Parmi les pays présents en 1955, certains se tirent bien d’affaire aujourd’hui. La Chine et l’Inde sont devenues tous deux des poids lourds incontournables. La Chine a éliminé la pauvreté, faisant à elle seule chuter drastiquement les statistiques mondiales à cet égard. 

La Guerre froide s’est terminée. Le bloc soviétique ayant cessé d’exister depuis 1991. Mais au lieu de planifier la dissolution de l’OTAN, vu le nouveau contexte favorable, les États-Unis, qui tiennent les manettes, en ont profité pour l’étendre et la renforcer.  Le rapprochement graduel de l’OTAN en direction des frontières de la Russie a suscité un regain des tensions. Parallèlement, la multiplication des ingérences animées du même esprit dans nombre de pays qui n’ont rien demandé se poursuit : Iraq, Libye, Afghanistan, Syrie, Serbie, et l’Ukraine aujourd’hui… nous laisse un monde sans paix. 

Les ingérences étrangères sont une mauvaise habitude des pays occidentaux. Elles sont typiquement préparées par un pouvoir politique, donneur de leçons, qui juge de haut des pays sélectionnés. Les médias les présentent à l’opinion publique comme autant de menaces ou d’ennemis. L’Occident ne dort jamais en paix. Mais l’indépendance est indivisible, irréfragable, et le droit des pays de résoudre leurs problèmes internes n’appartient qu’à eux. L’Iran, l’Afghanistan, la Russie ont le droit de décider de leurs politiques en toute autonomie, quoi qu’on puisse en penser. C’est vérifiable, les interventions de pays tiers, qu’elles soient bien ou mal intentionnées, ne font qu’envenimer les choses. Seul un mandat clair des Nations Unies, un instrument certes critiquable, mais le seul dont nous disposions qui puisse actuellement justifier l’intervention extérieure. Mais, à regret, on se passe de plus en plus des Nations Unies pour foncer directement dans de nouvelles aventures sanglantes.  

Vidéo

Conférence de Bandung 18 avril 1955

Citation

« Les leaders afro-asiatiques ayant pris part à la rencontre de Bandung avaient plaidé, au bout de sept jours de débats, pour un nombre de principes, entre autres, le respect des droits humains, la souveraineté et l’intégrité territoriale de toutes les Nations, égalité de toutes les races et égalité de toutes les Nations, non-intervention et non-ingérence dans les affaires internes des pays, abstention d’actes ou de menaces d’agression ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un pays, règlement des conflits internationaux par des moyens pacifiques, encouragement des intérêts mutuels et coopération et respect de la justice et des obligations internationales. »

Algérie Presse service

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