Après vingt ans, les événements de décembre 2000 dans leur contexte
Le soir du référendum, Jacques Parizeau sera silencieux sur le suprémacisme anglo-saxon du régime canadian aux dimensions historique et systémique. Il se limitera à cibler une conséquence du rapport de domination : « l’argent et des votes ethniques ». Ces paroles, rivées sur une actualité immédiate, rapetissaient l’envergure d’un combat national pluri-centenaire.
Le discours de démobilisation générale et de capitulation de Jacques Parizeau facilitera l’ascension des valeurs canadian au sein du mouvement souverainiste, désignées comme un nationalisme civique. Dans l’engagement de cette dynamique, les « Québécois francophones », refoulés sur des lignes défensives, seront de plus en plus soupçonnés de racisme dans un délire d’inversion accusatoire. L’historien Éric Bédard étudiera le phénomène de l’après 1995, qu’il décrira comme l’adoption d’un « trudeauisme » par le souverainisme québécois. (1)
Le scandale des commandites qui se déroulera de 1997 à 2003, avec des dépenses de 332 millions d’argent fédéral en publicité pro-fédérale, permettra à Ottawa de savourer pleinement sa victoire en terrain conquis. Malgré des protestations de la base, dont Vigile Québec, la campagne de propagande fédérale ne fera l’objet d’aucune riposte de la part du gouvernement du Parti québécois, au pouvoir jusqu’en 2003.
Le projet de loi 99 arrive dans ce contexte, celui d’un recul sans précédent des positions traditionnelles du nationalisme canadien-français. Après 240 ans de lutte, la nation historique se fait littéralement sortir de la légitimité politique par l’État du Québec. Par exemple, la loi 99 fonde le droit à l’autodétermination uniquement par le fait que des référendums se sont tenus au Québec, sans opposition de principe du fédéral.
On ne peut prétendre que cette loi soit une erreur de parcours, le projet de loi, déposé en décembre 1999, ayant été à l’étude pendant un an avant son adoption. L’exclusion des Canadiens-Français de la loi, y compris sous la forme atténuée et plus politiquement correcte de « Québécois francophones », complète la conversion de l’État du Québec à une doctrine a-historique, dénationalisée et compatible en esprit avec l’Acte constitutionnel de 1982.
L’affaire Michaud survient dans la foulée. Yves Michaud ne voulait pas se soumettre à un nationalisme civique imposé. Il était le candidat pressenti du Parti québécois à des élections partielles dans le comté de Mercier, grâce à des soutiens de la base. Il ne cachait pas vouloir se faire élire pour plaider l’extension de la loi 101 au CEGEP et entendait conserver sa liberté de parole à l’Assemblée nationale. Pour ces raisons, personne de la députation péquiste, imprégnée des idées de la loi 99, ne voulait de lui.
Quand au matin du 14 décembre, Laurence Bergman s’est entendu avec André Boulerice du Parti québécois pour présenter une motion de blâme sur des « propos antisémites », personne au Parti québécois ne voulut savoir de quoi il s’agissait. On était trop pressé de profiter de l’aubaine de l’antisémitisme pour barrer l’accès de Michaud à l’Assemblée nationale. Si Michaud avait été pour les parlementaires péquistes un compatriote aux états de service impressionnants, ils seraient vite revenus sur leur vote. Si tout le monde reconnaît aujourd’hui que l’accusation d’antisémitisme était sans fondement, ce qu’il reste de l’affaire est donc une volonté de répression politique du nationalisme traditionnel, en parfait accord avec la loi 99, une loi de promotion de l’État sans la nation.
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