Plusieurs parmi vous avez fait l’ascension du mythique cap Tourmente, un exercice qu’il faudrait avoir fait au moins une fois dans sa vie, car c’est toute l’histoire de notre peuple qui y est associée ; Cartier, Champlain, la plupart de nos ancêtres ont gravité dans ses environs.
Ce que peu savent, c’est que l’on doit la facilité relative de cette ascension à cet abbé au regard sérieux, Charles-Honoré Laverdière (1826-1873), du Séminaire de Québec. L’historien Joseph-Edmond Roy rappelle dans ses Mémoires de collégien : « C’est lui qui perça à travers le cap Tourmente des sentiers qui permirent de gravir jusque sur la cime sans trop de fatigue ».
On doit aussi à l’abbé Laverdière le portail du Séminaire de Québec, que tout le monde peut encore admirer juste à côté de la cathédrale. Il reste ainsi présent dans nos vies (quoique sans qu’on le sache ) près de 150 ans après sa mort prématurée à l’âge de 47 ans.
Mais si ce n’était que ça… C’est qu’on lui doit à peu près tout ce qu’on sait de Jacques Cartier et de Champlain, pour lesquels il avait une passion dévorante. Il est l’historien qui a accumulé le plus de connaissances sur la genèse de la Nouvelle-France. Il a structuré et développé la bibliothèque de l’Université Laval alors encore jeune, en la dotant de riches collections dans tous les domaines de la culture et des sciences.
En fait, quand on explore les nombreux témoignages laissés sur cet abbé original à l’esprit pétillant, on découvre un personnage hautement sympathique, attachant, passionné de connaissances dans divers domaines dont il approfondissait chacun, dont l’archéologie où il excellait : on lui doit notamment la découverte du site la maison de Louis Hébert, notre premier cultivateur, aussi celui de la chapelle Notre-Dame-de-Recouvrance édifiée par Champlain (juste derrière l’actuelle cathédrale de Québec) et bien d’autres encore… En somme, l’abbé Laverdière était un savant que de nos jours on qualifierait cordialement de “crack”. Il avait aussi un côté distrait qui va tout à fait avec ce type de tempérament d’érudit passionné, et qui en amusa plusieurs de son vivant.
Son élève Joseph-Edmond Roy nous dit également : « À Saint-Joachim, où il passait toujours la grande vacance, les élèves l’adoraient. Bon, affectueux, familier avec tous, il s’ingéniait à trouver des amusements nouveaux ». Et Roy décrit la douleur des élèves du Séminaire de Québec quand ils ont appris le décès subit de l’abbé Laverdière : « C’était le 11 mars 1873, à quatre heures et demie du matin, et je me souviens encore comme si c’était hier de l’impression que cette mort soudaine créa au milieu de nous lorsque nous en apprîmes la lugubre nouvelle à notre réveil. Il n’y eut ce jour-là ni jeux, ni amusements. La mort avait frappé sur chacun un coup cruel ».
Ah oui, j’allais l’oublier : l’abbé Laverdière était légendaire pour sa fameuse chaloupe, qui était l’une des passions de sa vie. Amarrée au port, il ne manquait pas d’y monter dès qu’il en avait le loisir, et on le voyait alors naviguer entre Québec et la Pointe-Lévy et celle de l’île d’Orléans, puis de celle-ci à son village natal du Château-Richer. Il était alors « heureux comme un écolier », comme le dit l’écrivain Faucher de Saint-Maurice, qui l’a connu alors qu’il était élève au Séminaire. Comme il était grand nageur, il lui plaisait de faire saucette dans le fleuve après avoir amarré sa chère chaloupe.
À part tout ça, il était aussi musicien et dessinateur…