Qui nous a dépossédés des acquis de l’Acte de Québec ?

Communiqué de la FCF publié le 22 juin 2024 pour les 250 ans de l'Acte de Québec. Distribué à la Journée d'étude sur le même sujet, chapeautée par Droits collectifs Québec.

Le 250e anniversaire de l’Acte de Québec pose avec acuité la question de la continuité du droit et de nos acquis hérités de la loi constitutionnelle de 1774. Est-on encore une fois en train de passer à côté de l’essentiel ? Nous avons certainement raison de le craindre. Pour sonner l’urgence d’un recadrage, faudrait-il s’abstenir de participer à la Journée d’étude « De l’Acte de Québec à la Constitution : le temps d’agir », chapeautée par Droits collectifs Québec.

Ceux qui ont à cœur les intérêts d’une nation enracinée dans l’histoire devraient revendiquer l’héritage de l’Acte de Québec dans un esprit de continuité du droit. L’Acte de Québec est une concession du droit coutumier anglais en faveur du droit coutumier français et en vigueur chez nous depuis l’établissement du Conseil souverain en 1663, notre toute première constitution.

Par le rétablissement de notre droit coutumier français, en vertu duquel nos ancêtres ont vécu un siècle, Londres reconnaissait implicitement une société canadienne et française formée dans le creuset de ce droit. Plus tard, avec une conquête qui perdure, le remplacement graduel du droit coutumier par la common law ne sera pas contesté par les nôtres, même si l’usage de notre droit nous avait été octroyé. Ce fut le cas en 1867, avec une constitution imposée par la duperie et en 1982 une constitution imposée dans des circonstances similaires, mais aggravées par la tricherie et la collusion des pouvoirs. L’emploi de la force pour nier notre existence distincte rend illégitime l’ordre constitutionnel canadien. Qui nous le rappelle ? Qui agit en conséquence ? Qui s’en scandalise publiquement ?

La common law anglaise reconnaît implicitement que la force crée ultimement du droit, Might makes rights ! Le droit naturel, le droit continental et le droit international coutumier s’y opposent catégoriquement. Pour ces trois système de droits, dont la source remonte au droit romain, il est même légitime et naturel de s’opposer à tout ce qui est imposé par la force et la violence. De plus, d’innombrables juristes ont affirmé que l’obéissance aux lois est toujours limitée et conditionnelle. Personne ne peut se sentir lié en conscience par une loi imposée par la force.

Contrairement à une idée trop répandue, nos droits nationaux ne relèvent pas d’une prise de conscience récente. Les droits d’une société distincte nous ont été rendus par Londres avec l’Acte de Québec, il y a de ça 250 ans. Nos juristes et nos constitutionnalistes ont accepté, hélas, que ce qui a été imposé devienne l’acceptable. Le fait accompli « annulerait » le droit antérieur sans qu’on prenne la peine de l’abroger ! On renonce donc à la continuité du droit, ce qui revient à servir le régime. Mais n’est-ce pas d’abord la légitimité de l’ordre constitutionnel lui-même qui devrait être contestée ? Nos élites ont repoussé l’idée de dresser un réquisitoire exhaustif sur les dérogations à la continuité du droit et l’enchaînement des injustices historiques.

Nous voyons bien que nous ne vivons pas et ne souffrons pas dans un néant national auquel un référendum gagnant pourrait mettre fin un jour, nous souffrons d’un désarmement volontaire. En fait, nous souffrons d’un désarmement moral totalement accepté. Ce désarmement moral sévit d’abord chez ceux qui sont en position d’agir et de défendre nos acquis légitimes. Qui rappelle que l’Acte de Québec signait pour nous un destin distinct de celui des Anglo-Saxons ?

Nos juristes et constitutionnalistes sont-ils les garants d’une impasse qui reconnaît pour légitime ce qui nous a été imposé en 1867 et en 1982 ? Cette soumission gênante du subalterne prend bien au sérieux l’arbitraire du droit anglais ! Et son influence est bien sentie dans une tradition législative qui ne connaît elle-même que la soumission. L’Acte de Québec nous octroyait beaucoup plus : soit le rétablissement de « their Property, Possessions… And all other Civil Rights »1. Alors que nous avons les arguments pour déculotter le régime dans un procès politique qui a tous les attributs pour un procès international, le ronron académique finasse ou s’enlise. Alors qu’un réquisitoire systématique pourrait regrouper nos charges contre le régime, nous sommes encore acculés au rôle de quémandeur, qui alterne avec l’occasionnelle dopamine d’un mythique Grand soir.

Une dynamique de réappropriation. Pour premier geste, nous demandons aux animateurs de la Journée d’étude (et à toutes nos élites patriotes) de réclamer de Québec un amendement à la loi 99 (2000) qui rétablirait les Canadiens-Français dans leur existence politique légitime. C’est indispensable. Si le préambule de la loi 99 s’efforce de détailler la composition démographique du Québec, il échoue à nommer les premiers concernés par l’Acte de Québec : les Canadiens issus de Nouvelle-France. En vertu de la continuité du droit, il ne peut y avoir de remède à notre négation nationale sans que ces Canadiens, que le gouverneur Carleton appelait par leur nom, soient de nouveau nommés et se placent au centre de l’émancipation politique. Ils sont les premières victimes d’une injustice séculaire non réglée au Canada. Ils ont toujours montré qu’ils étaient en faveur d’un statut qui leur rendrait justice, ils attendent que leurs élites politiques et juridiques mettent fin à leurs tergiversations et reconnaissent leur existence.

22 juin 2024 – 250e anniversaire de l’Acte de Québec

Version imprimable

  1. Pour une analyse du terme « Property » dans ce contexte, voir : Christian Néron, L’Acte de Québec de
    1774
    , p.131 (https://manuscritdepot.com/a.christian-neron.01/nchristianneron01.pdf) ↩︎

Une réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *